SUZANNE VALADON

La célébration du nu par le female gaze. Une artiste devant et derrière le chevalet.

Exposition au Centre Pompidou du 15/01 au 26/05

Femme nue à la draperie
Nue allongée sur une peau de panthère
portrait de Mauricia Coquiot

Vu et entendu

« – C’est pas érotique.
C’est réaliste. »

Un groupe de collégiens, accompagné par leur prof de français, est agglutiné devant un autoportrait de Suzanne Valadon, buste dénudé.

Les ados écoutent distraitement la conférencière volubile qui leur demande : « Pouvez-vous m’expliquer ce qu’est l’autoportrait ? Vous êtes-vous déjà essayé à cet exercice ? Est-ce que vous faites des autoportraits ? » Silence gêné. Elle perd le peu d’intérêt que les jeunes lui avaient accordé. Les ados se cachent les uns derrière les autres et fuient le regard perçant de la conférencière qui cherche sa victime. « Alors, vous n’avez jamais fait de selfie ? » Les jeunes s’animent, la conférencière est fière de sa trouvaille.

Un peu plus loin, devant le tableau La Grosse Maria de Toulouse-Lautrec, où le modèle est Suzanne Valadon, une jeune fille très proche du tableau sort un feutre un peu maladroitement pour croquer le tableau sur son calepin, sous les yeux affolés d’un gardien qui, l’ayant en ligne de mire, s’apprêtait à bondir sur la jeune fille maladroite.

Devant le tableau Gilberte nue se coiffant, deux amies sexagénaires s’interrogent : « C’est encore elle qui est toute nue ? Ah non, cette fois, c’est Gilberte. C’est marqué. » « Ce n’est pas érotique, je trouve », dit l’une. « C’est réaliste », lui répond sa copine.

Un peu plus loin, le groupe de collégiens légèrement dissipé ricane devant certains tableaux, le rouge aux joues. Une jeune blonde dit à sa copine : « Pffff, je croyais que c’était fini », en arrivant devant le tableau où la conférencière marque un nouvel arrêt. Certains visiteurs suivent discrètement le groupe pour se délecter des propos de la conférencière enthousiaste.

Un peu plus loin, dans une salle dédiée aux croquis de scènes autour du bain, je tombe nez à nez, mais de dos, avec Valéry Giscard d’Estaing, un énorme appareil photo autour du cou, tel un chasseur d’images. Il prend toutes les esquisses en photo sans même les regarder. Une dame l’observe par-dessus ses lunettes et se dit : « A-t-on le droit ou non de prendre des photos dans les musées ? » « C’est comme les portables, on devrait les laisser au vestiaire », lui dit un visiteur qui l’a entendue.

Je retombe sur la classe de collégiens devant le tableau de Gilberte au miroir. Ce tableau montre une jeune ado nue qui sort de son bain. Elle se regarde à la dérobée dans un miroir alors que sa mère finit de lui sécher les épaules. Un ado souffle que son corps est bizarre, que ses joues sont toutes rouges. La conférencière l’entend et l’interpelle : « Et ton copain à côté, il n’est pas tout rouge, lui aussi ? »

Elle explique aux jeunes qu’à l’époque les adolescents buvaient déjà de l’alcool. Ça réveille la jeune fille qui voulait quitter l’expo et qui raconte qu’à l’époque on buvait du vin au self ; alors ça, c’est vrai, mais c’était dans les années 50, beaucoup plus tard. La conférencière nous apprend au passage qu’Utrillo, le fils de Suzanne Valadon, était alcoolique à l’adolescence et qu’elle l’avait initié à la peinture pour essayer de combattre ses démons. C’était peine perdue.

L’expo touche à sa fin. Les ados sont soulagés, leur professeur enchantée et de connivence avec la conférencière leur demande si quelqu’un veut revoir un tableau en particulier ? Nos ados se regardent les uns les autres. Une petite voix s’élève : on n’aura pas le temps de manger Madame ! Alors allons-y !

Une réponse à “SUZANNE VALADON”

  1. Avatar de LOLO
    LOLO

    J ‘ ai hâte de voir cette exposition

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